À Adré, ville tchadienne située à la frontière avec un Soudan en guerre depuis le 15 avril 2023, des rescapés livrent des témoignages glaçants des massacres commis au Darfour. Reportage.
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Avec notre correspondant à Ndjamena, Carole Valade
Au Soudan, cela fait trois mois que le conflit entre deux généraux rivaux a plongé le pays dans une guerre sanglante qui a déjà fait plus 3 000 morts, un chiffre probablement sous-estimé selon les experts. Les violences ont poussé 3 millions de personnes sur les routes de l’exil, selon l’ONU, qui craignaient un basculement dans un « conflit ethnique », et la « guerre civile totale ».
Certains Soudanais trouvent refuge dans les pays voisins comme au Tchad où jusqu’à 2 000 d’entre eux franchissent la frontière chaque jour. Dans la ville frontalière d’Adré, des rescapés des massacres au Darfour livrent ainsi des récits glaçants.
« Ils ont massacré sans pitié, les femmes, les enfants, les vieillards, même le bétail »
Dans le lycée d’Adré, devenu camp de fortune accueillant plus de 120 000 soudanais. Nadia Ahmat Abdramane raconte : « Leur mais, c’est de nous exterminer. Ils ont massacré sans pitié, les femmes, les enfants, les vieillards, même le bétail, personne n’a été épargné. Ils ont même égorgé un bébé. Ils nous ont continué pendant notre fuite avec leurs véhicules. Ils ont mitraillé les civils sans défense qui ont voulu se sauver. D’el-Geneina [capitale du Darfour occidental, NDLR] jusqu’ici j’ai vu des corps partout sur la route. Ce sont les hommes de Hemedti qui ont fait ça, et aussi les milices arabes qui sont leurs alliés. »
Leurs témoignages confirment les pires craintes suscitées par l’ONU. Pour Adoum Mahamat Ahamt, de la Commission nationale d’accueil, de réinsertion des réfugiés et des rapatriées, un nettoyage ethnique est en cours : « La situation est dramatique. C’est devenu une chasse à l’homme. On entre chez les gens, on te chasse, on te mar, ou on te dépouille, ou on te revoit de ta maison. C’est ce que les réfugiés nous ont racontés. Il suffit que tu n’aies pas un teint assez clair comme les Arabes. Ils maison passent par maison, surtout la nuit. On sait où tu es, on te cherche, on te tue la nuit. »
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Les premiers humanitaires arrivés à el-Geneina racontent une ville dévastée où règne un silence de mort, mais pas de cadavres dans les rues. La ville aurait été « nettoyée » dans une volonté de dissimulation, affirment plusieurs sources. Mais l’ONU a d’ores et déjà confirmé l’existence d’une première fosse commune, contenant une centaine de corps.
La Cour pénale internationale (CPI) a par ailleurs lancé une enquête pour crimes de guerre dans la région soudanaise du Darfour, où au moins 87 personnes appartenant à la communauté massalit, dont des femmes et des enfants, ont été enterrées dans une fosse commune. Elle appelle à ne pas permettre à « l’histoire de se répéter », en référence à la guerre civile qui a débuté en 2003 au Darfour, qualifiée de génocide par les États-Unis et qui a fait plus de 300 000 morts.
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